Dans un contexte de bouleversement profond du monde du travail, recruter et fidéliser les meilleurs talents sur la durée est devenu un réel casse-tête pour les services RH des entreprises. De manière globale, le marché de l’emploi des cadres est extrêmement tendu et dans tous les domaines, avec notamment des métiers du numérique de plus en plus en tension. Ce contexte de pénurie des talents crée un dynamique de concurrence intense entre les entreprises. Il appartient désormais aux services RH de déployer leurs meilleures tactiques pour recruter des « numéros 10 » dans l’équipe entreprise
Pourquoi parler ici de numéros 10 ? Ce parallèle avec le monde sportif et plus particulièrement celui du football n’est pas anodin. Mbappé, Zidane, Maradona, Pelé, Neymar : ces numéros 10 de légende inspirent et transportent aussi bien leurs coéquipiers que leurs supporters. Sur le terrain, à la fois meneur et grand stratège dans les situations complexes, le numéro 10 est le porte-drapeau des grands changements et des grandes victoires. De même qu’en entreprise, les meilleurs talents sont des éléments moteurs du collectif et d’un changement positif grâce à des qualités au-dessus de la moyenne.
Dès lors, une question se pose pour les services RH : sur le mercato de l’emploi, comment réaliser le transfert décisif qui changera la donne ? Comment attirer, recruter et fidéliser ces numéros 10 ? Comment détecter leur potentiel avant même qu’ils n’arrivent sur le marché de l’emploi ? Comment dénicher le talent, identifier son parcours de développement, créer le collectif favorable à son évolution ?
Comme un sélectionneur, le recruteur a besoin de coéquipiers, de techniques et de stratégies!
1- Le manager, sélectionneur et meneur de numéros 10
Le manager, excellent juge de talent pour chaque poste spécifique
Le manager est le coéquipier principal du recruteur. En tant qu’opérationnel, il connaît le métier, les besoins en savoir-faire et en savoir-être. Ses connaissances vont permettre d’obtenir à une parfaite adéquation entre les besoins de l’entreprise et le profil recherché. Le recruteur attend ainsi du manager qu’il détaille avec précision le besoin et toutes les caractéristiques recherchées chez le candidat. Ensemble, ils vont pouvoir mener à bien trois étapes clés :
Définir le profil recherché en fonction d’éléments de benchmark relatifs à l’état du marché : salaires en fonction de l’ancienneté, parcours classique de l’avatar du candidat cible, durée moyenne sur un poste, nombre moyen de candidats pour une annonce...
Définir les critères métiers et RH non négociables du recrutement ainsi que la grille d’entretien.
Travailler le test pratique donné à tous les candidats : condition de réalisation, durée, attentes.
Le manager, excellent commercial capable de signer un talent malgré la concurrence des autres recruteurs
L’étape primordiale après avoir attiré le numéro 10 en entretien : le process de recrutement dans lequel le manager doit être impliqué à 100%. Le RH a pour rôle de le responsabiliser et le coacher pour en faire à la fois l’ambassadeur du projet d’entreprise et un fin analyste de la personne qu’il a en face de lui. Cela vaut également dans le recrutement des étudiants par le biais des relations écoles. Lors des rencontres étudiantes, les managers doivent se montrer particulièrement convaincants pour attirer les pépites de demain.
Travailler sur le binôme RH-Manager a de multiples vertus : des entretiens plus structurés et équitables, une réduction des aller-retours de validation entre RH et Manager, ainsi qu’une accélération d’environ 20% du processus de recrutement. Les professionnels des ressources humaines s’accordent à dire que le processus de recrutement ne doit pas excéder 5 semaines. Or, selon une étude de 2018 du cabinet de recrutement Robert Half, 30 % des recrutements en France durent de 2 à 5 semaines et 30 % dépassent ce délai. La maîtrise du processus de recrutement de bout en bout semble donc être un atout de taille dans le recrutement de numéros 10 pour l’entreprise.
Le manager, bon entraîneur pour encourager les numéros 10 à se surpasser et les faire progresser au sein de l’entreprise.
Comme un coach sportif, le manager doit devenir un meneur d’homme, première vitrine de l’entreprise, relais de sa culture, source de motivation au quotidien, mentor dans la réalisation professionnelle du collaborateur et impliqué dans le développement de ses capacités. Pour cela, le RH doit s’assurer que le suivi managérial soit à la fois bienveillant, motivant, challengeant et régulier.
Un point d’attention particulièrement important : comprendre ce qui pousse les numéros 10 à démissionner pour anticiper une éventuelle menace qui coûterait cher à l’entreprise. « Un talent coûte deux ans de son salaire à remplacer. Le maintenir dans l'entreprise coûte 5 à 15 % au maximum de son salaire en investissement d'accompagnement. » explique Michel Font, managing partner chez Nelta, cabinet de conseil spécialisé dans l'accompagnement de carrière des talents.
Selon une étude menée en 2015 par Gallup, spécialiste de la gestion et du management : 50% des 7 200 adultes interrogés désignent le manager comme principal responsable d'un abandon de poste.
Selon d’autres études, les salariés quitteraient l’entreprise lorsque leurs compétences ne sont pas assez exploitées, qu’ils ont le sentiment de stagner, le travail perdant alors de son intérêt.
Quelle que soit la raison invoquée, les services RH ont une opportunité à saisir pour une rétention des talents efficace : une étude menée par Hays démontre que 60% des salariés prioriseraient la mobilité interne s’ils le pouvaient. Les raisons principales citées sont leur bonne connaissance de l’entreprise (75 %), la possibilité d’acquérir de nouvelles compétences (60 %) et de garder les avantages que leur offrent les années d’ancienneté au sein de cette dernière (47 %).
On comprend mieux le rôle clé des managers de proximité, qui ont le devoir de prendre régulièrement la température auprès des numéros 10 : identifier leur besoin de challenge et de renouvellement permettra de les fidéliser en leur proposant une mobilité interne.
2- L’innovation & la proactivité, aimants à N°10
Multiplier les canaux de contact
Le contexte très concurrentiel oblige les recruteurs à dépasser le très archaÏque binôme CV et lettre de motivation pour innover et redoubler d’ingéniosité ! La clé du succès résiderait dans la multiplication des canaux de contact avec les meilleurs talents. Quelques chiffres viennent illustrer ce postulat :
Selon une étude Forrester Research de 2015, il est plus probable qu’une personne ait envie de rejoindre une entreprise après 8 mises en contact avec des éléments de sa marque employeur.
Selon une enquête LinkedIn, 42% des recruteurs estiment que le recrutement de demain devra développer l’utilisation de sites web/communautés pour recruter des candidats plus diversifiés.
Selon l’étude Sourcing Cadres menée par l’Apec en 2018, la complémentarité des modes de sourcing est vecteur de résultats probants.
A noter : le réseau du recruteur (15 % des cadres ont été embauchés par ce biais) et la cooptation (64 % des recruteurs estiment que les meilleurs candidats sont ceux issus de la cooptation) sont des vecteurs de talents.
Profiter des opportunités du web
L’innovation numérique notamment permettrait aux recruteurs de gagner du temps, de mieux cibler et de faire preuve de proactivité dans leur approche des talents. Et effectivement, là encore les chiffres parlent d’eux-mêmes :
Une entreprise sur trois utilise un robot pour sélectionner les candidats.
27 % des entreprises de plus de 50 salariés sont équipées de logiciels capables de scanner les candidatures, selon l’APEC.
73 % des juniors recherchent du travail depuis leur mobile, selon Corner Job.
79% des candidats de moins de 35 ans utilisent les réseaux sociaux dans leur recherche d’emploi selon Link Humans.
Recruter des profils atypiques et indépendants
L’innovation passe aussi par une libération de l’entreprise au niveau contractuel : pour un besoin clé, le recruteur peut choisir d’investir dans un consultant ou un expert indépendant. Se donner la possibilité de passer par ce type de profil permet de recruter des profils atypiques et experts de leur métier. Ils ont également une fibre entrepreneuriale qui apporte un souffle nouveau à l’entreprise et leur permet d’embarquer l’équipe avec eux. Recruteurs et managers se doivent de soigner leur expérience collaborateur au sein de l’entreprise pour en faire des éléments clés et des ambassadeurs de la marque employeur en externe.
Mais innover, c’est aussi et surtout travailler sur l’inbound marketing : une manière ingénieuse d’attirer à soi les meilleurs talents
3- Le marketing RH interne, levier de fidélisation des N°10
Travailler sa marque employeur
L’inbound marketing (ou marketing entrant en français) est une stratégie marketing avec une approche différente de celle du marketing traditionnel. L’objectif de l’inbound marketing est d’attirer des prospects avec du contenu de qualité pour ensuite les convertir en clients sans avoir à les démarcher. C’est une méthode qui fonctionne également dans le domaine RH, avec « l’inbound recruiting », qui entre dans ce qu’on appelle aujourd'hui plus communément « marque employeur ».
Dans ce contexte de pénurie des talents, les politiques RH des entreprises sont devenues des marques à part entière sur le marché de l’emploi. Il s’agit d’un processus de valorisation à la fois externe, opérant auprès des meilleurs candidats potentiels, et en interne, dans un objectif de fidélisation des collaborateurs et d’en faire des ambassadeurs de l’entreprise.
C’est un levier RH et managérial important, mais surtout un élément de différenciation extrêmement fort. Par le biais de l’inbound recruiting et de la marque employeur, l’entreprise va pouvoir exprimer son ADN : son histoire, ses valeurs, sa stratégie, sa culture, l’expérience qu’elle offre à ses collaborateurs, son état d’esprit. Tout cela vise évidemment à attirer les numéros 10 qui correspondront à l’entreprise : ceux qui se reconnaissent dans ses valeurs et vont développer un sentiment d’appartenance fort rapidement.
Comme un « retour à l’envoyeur » sur le terrain, cette marque employeur va s’exprimer à travers ses collaborateurs, souvent amenés à participer aux rencontres étudiantes pour témoigner de leur expérience et de leur rôle au sein de l’organisation.
Offrir une expérience collaborateur différenciante
Offrir un quotidien de travail exceptionnel est l’un des autres défis de la marque employeur, à l’heure où les collaborateurs, comme pour un hôtel ou un restaurant, peuvent noter leur entreprise en ligne. Cette notation se révèle cruciale puisque selon Region Job, 87% des jeunes talents consultent les sites de notation avant de postuler à un emploi.
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Les services RH doivent alors être très attentifs à soigner l’expérience collaborateurs notamment à des moments clés de leur vie au sein de l’entreprise :
Onboarding : les premières semaines sont primordiales. Il s’agit ici de soigner le parcours d’intégration pour s’assurer de l’implication immédiate et entière des talents.
Expérience collaborateur : événements internes, formations, team buildings, networking, implication dans la compréhension de la stratégie avec le Top management… les numéros 10 doivent ressentir que l’entreprise leur fait confiance, les embarque dans l’aventure et leur permet d’exprimer leur potentiel à 120 %.
Indound Marketing ou « opération séduction » : campagnes de communication autour des valeurs, sponsorisation d’événements, politique RSE… autant d’éléments qui contribuent à renforcer la fierté d’appartenance des numéros 10 et à en faire les porte-parole des valeurs de l’entreprise.
Rendre son entreprise attractive
La marque employeur doit s’exprimer partout où les candidats potentiels vont recevoir ou aller chercher de l’information « carrière ». Là encore, les chiffres parlent d’eux-mêmes. Selon Link Humans :
83% des embauches commencent par une recherche en ligne sur une entreprise.
84% des employés envisagent de quitter leur entreprise vers une autre ayant meilleure réputation.
72% des spécialistes du recrutement dans le monde admettent que la marque employeur a un impact significatif sur leur activité.
Une marque employeur forte augmente de 50% le nombre de candidatures très qualifiées.
Compter sur des numéros 10 au sein de l’équipe entreprise est donc un exercice très complexe. Il demande aux services RH de la rigueur, de l’organisation, du budget, des stratégies cohérentes avec l’ADN de l’organisation et la collaboration du « top » et du « middle » management. Ainsi, du recrutement à l’onboarding en passant par l’organisation du quotidien et le développement professionnel, le service RH doit assurer aux talents une expérience cohérente et une gestion de carrière innovante et proactive. Autant de conditions sine qua non de fidélisation des numéros 10 sur le long terme. Un challenge passionnant dans un monde du travail en plein bouleversement, alors que les outils numériques offrent de plus en plus de potentialités d’expression pour la marque
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